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Témoins crédibles

abbé Livio Tonello, directeur

Ces derniers mois, j’ai lu différents textes très significatifs, de nombreuses phrases d’accroche et des commentaires spirituels. Il y a des personnes qui ont le talent de l’écriture et de la paroles, capables de saisir les émotions et les questions non posées. En quelques mots, elles savent trouver des paroles efficaces pour décrire et pour stimuler, en faisant vibrer les cordes de la sensibilité.

Mais tout cela est-il suffisant? Par exemple, la liturgie nous donne des paroles et des gestes pleins de signification mais si on les relègue au rite, ils n’ont qu’une fin en soi. La valeur des paroles, des signes et des émotions devrait être performante, c’est-à-dire être capable de provoquer des changements, d’engendrer des actions, des styles de vie. Il n’est pas difficile de croire (surtout quand on est à l’Église) mais être crédible, une fois dans la rue, l’est beaucoup plus.

La force du message chrétien peut être fascinante mais elle demande une concrétisation dans la vie. La pédagogie nous enseigne que l’on atteint l’efficacité éducative quand, avec l’enseignement, on concilie la théorie et la pratique. Mieux encore: quand les comportements, les choix et le style de vie de ceux que l’on accompagne dans leur croissance sont la traduction concrète des valeurs qu’on a dans le cœur.

À quoi servent les conseils, les admonestations et les règles si on ne les met pas en pratique dans la vie avec cohérence? La crédibilité du chrétien est la première forme d’évangélisation. On retrouve la profonde vérité de ces paroles dans le témoignage des 19 martyrs d’Algérie, béatifiés à Oran le 8 décembre dernier, dans celle des prêtres, des religieux et des religieuses tués entre 1994 et 1996, victimes de la guerre qui ravagea l’Afrique du Nord.

Parmi sept trappistes de Tibhirine. Tout en étant conscients du danger qui menaçait leur vie, ils avaient décidé de rester jusqu’à la fin aux côtés du peuple algérien. Les musulmans aussi prirent leur défense face à la répression armée, parfois au prix de leur vie. Quelques semaines avant le kidnappage, le prieur Christian écrivait dans son journal: «Je voudrais que ma communauté, mon église et ma famille puissent se rappeler que ma vie a été donnée à Dieu et à ce pays».

Ce témoignage nous fait du bien. Dans une culture où l’on recherche l’apparence, la crédibilité est précieuse. Il est facile d’attirer l’attention sur les médias, en se laissant séduire par les slogans et par l’éloquence tonitruante. Il faut faire attention avant de faire confiance aux proclamations. Parler peut être une chose facile mais il est difficile de concrétiser les paroles. C’est la première tâche pour les chrétiens, aussi appelés à parler avec la vie et en défense de la vie.

C’est bien ce que saint Antoine a su pleinement faire. Le 15 février, on célèbre la “Fête de la Langue” qui rappelle le prodige qui eut lieu en 1263: dans la Basilique dont avait terminé la construction, on voulait donner un sépulcre plus digne aux dépouilles de saint Antoine (mort en 1231). En présence du supérieur de l’ordre franciscain, le frère Bernardin de Sienne, on ouvra le cercueil et on découvrit que la langue d’Antoine était intacte: signe que le Seigneur avait voulu préserver cette partie du corps qu’Antoine avait utilisée pour prêcher l’Évangile et pour louer le Seigneur.

Cette langue nous parle encore dans le silence. La preuve est la foule des dévots qui, chaque année, se rendent à la Basilique où on la conserve, pour trouver la force de vivre chaque jour l’Évangile dans leur vie. Des fidèles qui continuent à croire et qui s’engagent à être crédibles dans la fatigue de leur vie quotidienne.