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Pour changer le monde

abbé Livio Tonello, directeur

«C’était mieux avant!». Qui n’a pas utilisé cette expression face à des situations difficiles en cherchant refuge dans un passé toujours plus beau? Le passé semble mieux que le présent et peut-être que le futur aussi. Mais c’est seulement une manière d’exprimer des «lamentations» faciles. Nous les retrouvons déjà dans les textes classiques. Cicéron par exemple déplore la corruption diffuse en exclamant: «O tempora! O mores!».

Horace définit les nostalgiques comme des «laudator temporis acti»: puisqu’ils ne peuvent pas faire revivre le passé, ils y reviennent volontiers avec la mémoire. Des temps difficiles, des coutumes corrompues à notre époque aussi noircissent souvent le tableau. En réalité, la perception du quotidien (parfois déformée) est due à plusieurs facteurs. Tout d’abord le développement des moyens de communication.

Nous savons à chaque instant ce qui se passe dans le monde entier. Une quantité d’informations vraiment remarquable! Puis, ce sont les nouvelles les plus tragiques qui font le plus de bruit. Ainsi avons-nous l’impression que chaque jour, les crimes et la violence augmentent. Enfin, nous ne vivons pas assez longtemps pour juger globalement une époque entière. Les temps changent, le changement est physiologique, cela arrive toujours.

Changer fait partie de l’ordre des choses en vue de la survie et de l’amélioration. L’idéal serait de viser à un changement en vue d’une amélioration mais cela n’arrive pas toujours. Si on regarde bien, il y a eu de grands progrès en ce qui concerne les droits, la dignité et l’égalité des hommes mais il y a encore de grandes inégalités et un manque de liberté d’expression dans divers domaines. En feuilletant les pages de l’histoire, nous constatons que les sociétés du passé n’étaient pas meilleures que la nôtre.

Le croyant est l’homme de l’espoir et du futur car il sait que la méchanceté, la violence et la mort ont été battues par le Seigneur. Comment? En y faisant face sans les perpétrer. S’il avait réagi avec violence contre la violence, il l’aurait multipliée. S’il s’était vengé, il aurait créé d’autres iniquités. Jésus a brisé la chaîne du mal commis par les hommes. Comme les martyrs chrétiens dont le 24 mars nous rappelons le sacrifice.

Cette date a été choisie pour rappeler l’assassinat du bienheureux Oscar Romero (24 mars 1980). Leur mort n’a pas été vaine car elle a contribué à faire augmenter le bien sans utiliser la violence. Ils ont payé au prix de leur vie, un prix fécond pour un vrai changement. De notre côté, nous ne sommes pas appelés au martyre du sang mais au martyre «blanc», celui du témoignage quotidien. Nous sommes appelés à nous renouveler chaque jour comme le temps du Carême (qui a débuté le 26 février avec le Mercredi des Cendres) nous le rappelle.

Ce changement vise à progresser spirituellement. Il y a diverses occasions au cours desquelles nous pouvons répondre avec un geste de bien à un acte de méchanceté: le changement commence chez nous. C’est l’invitation à être moins pessimistes, moins grognons, moins résignés face à ce qui ne va pas. Nous ne pouvons certainement pas changer le monde mais nous pouvons changer notre manière de penser et d’agir.

Saint Thomas More dans sa prison écrivait: «Seigneur donnemoi la force de changer les choses que je peux modifier, la patience d’accepter celles que je ne peux pas changer et la sagesse pour distinguer la différence entre les unes et les autres» (Prière de la Tour, 1587).