Année 133 - Février 2021

Les mots qui guérissent

abbé Livio Tonello, directeur

Nous assistons tous les jours à la diffusion de l’agressivité verbale. C’est une agressivité qui s’exprime à travers des mots blessants, des injures et des attaques verbales. Au fil du temps, les expressions vulgaires sont devenues communes et les mots grossiers sont souvent utilisés par de nombreux locuteurs non seulement dans un moment d’énervement mais dans le langage courant. Même à la télévision et à la radio, on utilise un langage débridé, jadis inimaginable.

Autrefois, on censurait toute une série de mots et d’expressions avec un « bip » sonore si nécessaire. Maintenant, dans tous les shows et les talk-shows, les expressions vulgaires sont utilisées sans retenue. On les utilise pour essayer de faire rire, en jouant sur le double sens des mots ou sur les allusions. Cela arrive dans tous les secteurs de l’information publique et dans toutes les couches sociales. Grâce à la protection de l’anonymat, la vulgarité se loge facilement aussi dans les réseaux sociaux où il est possible d’agresser verbalement les personnes.

Si autrefois le langage vulgaire était synonyme de grossièreté et de pauvreté humaine et intellectuelle, aujourd’hui les jurons et les insultes sont légion et font autorité. La politique aussi y a mis du sien en produisant une violence verbale qui dépasse la plus serrée des confrontations idéologiques. Avec un nivellement par le bas, le langage de charretier se répand en politique pour être plus populaire ; en confondant franc parler et parler franc, certains hommes politiques se lâchent de plus en plus en banalisant leurs discours. Une récente enquête sociale souligne que nos compatriotes sont fascinés par un langage fort et agressif qui attaque l’adversaire aussi dans sa vie privée.

Je me demande si tout cela n’est pas le signe d’une grande faiblesse et d’une grande pauvreté intérieure. Rappelons donc cette belle expression de l’évangéliste : « Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur » (Mathieu 12,34), c’est-à-dire que ce qui sort de la bouche révèle ce qui se sédimente dans nos pensées et dans nos émotions. Le 15 février, nous célébrerons la fête de la Langue intacte de saint Antoine et il nous invite encore à réfléchir sur la qualité de notre langage. Les lèvres du Saint ont prononcé des paroles de louange, d’encouragement mais aussi des invectives contre les violents et les corrompus dans le but de les corriger.

L’éloquence d’Antoine est l’expression de ce qu’il a vécu et mûri durant son existence. Les valeurs morales qu’il mettait en pratique dans sa vie résonnaient dans les rues et dans les places comme la bonne nouvelle de l’Évangile. C’est le même but de tous ceux qui ont des responsabilités dans le domaine de l’éducation, de l’information et de la gestion : une noble parole constructive devrait sortir de leur cœur. Le bon exemple établit la norme ? De même les paroles. En ce moment historique, nous remarquons que l’on entend souvent des discours vides et dépourvus de valeurs culturelles et que l’on utilise de plus en plus de mots vulgaires.

Les paroles blessent comme une épée mais les mots vulgaires remplacent la réflexion. Ceux qui en font usage souvent n’ont pas de moyens culturels et intellectuels et ils essaient ainsi de s’imposer avec l’arrogance.

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