Année 134 - Mars 2022

Caravane solidaire

abbé Livio Tonello, directeur

L’image de la route, métaphore du chemin de la vie, est toujours suggestive. Elle évoque les vicissitudes humaines, la fatigue, les rencontres, les erreurs, la tension vers le but... Aujourd’hui, l’expression ecclésiale « synodalité » évoque la route. La parole synode vient du terme grec « syn-odos » qui signifie « cheminer ensemble ». Depuis quelques années, le Pape en a rappelé la valeur et l’urgence.

En effet, aussi parmi les chrétiens qui parcourent le même chemin (dès le début, on les a appelés les disciples de la route), existe le risque de cheminer chacun de son côté. Cela vaut pour les évêques, pour les prêtres et pour chaque croyant. Cheminer ensemble a bien des avantages: la compagnie, l’aide réciproque, le dialogue, le soutien... Mais il y a aussi des inconvénients : les lenteurs, les coups de frein, la peur, la capacité de supporter... Mais un parcours chrétien, en solitaire ou en empruntant des chemins différents, n’est pas pensable.

La synodalité, à laquelle le Pape tient autant, invite à la confrontation, au dialogue, à l’écoute des voix de tous les chrétiens en sollicitant leur réponse à la foi. C’est un défi important car il est facile que les décisions soient prises seulement par quelques personnes : il est moins difficile d’imposer des directives sans les partager. En revanche, au cours de ses premières mille années d’histoire, l’Église a été éclairée par la sagesse méthodologique basée sur ce principe : ce qui concerne tous doit être discuté et approuvé par tous.

Il s’agit d’une déclinaison ecclésiale de la démocratie, dont le but est différent par rapport à la démocratie laïque. On ne vise pas à faire prévaloir une partie sur l’autre mais à converger sur certains points fondamentaux. Ce n’est pas la voix du plus fort qui doit s’imposer mais ce sont les objectifs communs. Chaque chrétien et chaque communauté chrétienne peuvent donner un significatif témoignage de style : un chemin de réflexion et de discernement à parcourir avec la contribution de tous.

En rappelant la figure de notre saint Antoine, son chemin des premières années si difficile s’éclaira quand il put participer à la rencontre synodale du chapitre « des nattes » convoqué (il y a juste huit-cents ans) par saint François à Assises et à laquelle participèrent plus de 3000 frères qui discutèrent sur le texte d’une règle, que François voulait présenter pour son approbation au Saint Siège, et qui élurent le nouveau vicaire général des frères mineurs. Après cet événement, Antoine s’engagea sur son chemin en mettant à profit ses talents de prédicateur et de théologien.

Au mois d’octobre dernier, le Pape a appelé toute l’Église vers un parcours de synodalité qui se tiendra jusqu’en 2023 pour discerner la voix de l’Esprit sur les thèmes suivants : communion, participation, mission. Il s’agit donc d’un temps dédié à l’écoute, au dialogue, au discernement. Il n’y a rien d’écrit sur ce qui est devant nous : les pas des croyants ouvriront le chemin et ils traceront les sentiers que d’autres pourront parcourir. L’Église est une « caravane solidaire » (Evangelii Gaudium 87) où on s’accompagne, on se tient dans les bras en tenant le pas avec son prochain et surtout avec les plus fragiles.

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