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Pour une spiritualité incarnée

abbé Livio Tonello, directeur

Ceux qui pensent que la spiritualité n’a rien à voir avec les problèmes sociaux risquent de ne pas vivre au sein de l’histoire. La politique, l’économie, la gestion du bien commun, la sécurité sont des thèmes qui concernent la vie de chaque croyant et qui font partie de ce que nous appelons «la dimension spirituelle». Le célèbre théologien suisse Urs von Balthasar (1905-1988) disait que la spiritualité «est l’attitude fondamentale de la vie de chaque homme, de sa foi religieuse comme expression de son interprétation éthiquement engagée de l’existence». Nous sommes constamment submergés de débats, de discussions entre les différents partis politiques et de slogans pour obtenir de futurs avantages. Que cela nous plaise ou non, tout ceci fait partie de la vie démocratique d’un peuple et concerne la vie des chrétiens. Un exemple utile nous est donné par saint Antoine qui, à plusieurs reprises, s’est intéressé aux questions sociales de ses concitoyens.

Nous pouvons rappeler son sermon vibrant contre l’usure qui fit approuver une loi qui allait sauver de la prison les débiteurs insolvables. Rappelons sa visite risquée au tyran Ezzelino pour demander la libération des chevaliers guelfes. L’indignation, le sens de la justice et le courage ne peuvent pas manquer à ceux qui ont fait de l’Évangile l’horizon de leurs valeurs. L’esprit est le véritable centre de chaque personne: il révèle la globalité de son être en harmonisant l’âme et le corps, l’intériorité et l’extériorité, la dimension de l’être et de l’agir. C’est une petite suggestion en cette période de Carême, une invitation à faire un examen de conscience afin de vérifier si et comment notre sensibilité spirituelle sait capter la vie et si elle supporte les problèmes sociaux dans nos prières et dévotions. Cette sensibilité habite-t-elle dans notre cœur? Depuis quelques années “Le Saint aux miracles” entre dans la prison de haute surveillance de Padoue.

Les prisonniers sont des personnes qui ont commis des fautes et qui sont en train de payer pour leurs erreurs. Il s’agit tout de même d’êtres humains avec une dignité à récupérer aussi aux yeux du monde. Ce ne sont pas des étrangers même si nous ne les rencontrerons jamais. Ce sont les volontaires, les étudiants, les jeunes des paroisses qui s’occupent de les faire participer à des projets culturels. La passion pour le bien commun, pour la justice, pour la réconciliation et pour la paix naît d’une profonde spiritualité intérieure. Nous devons franchir la barrière des lieux communs comme «ce sont tous les mêmes», «la politique est une sale affaire», «rien ne change», «C’est du temps perdu»... L’aube d’un nouveau jour naît avec le premier rayon de lumière, celle que de nombreux hommes et de nombreuses femmes ont diffusée pour un monde meilleur et en payant souvent de leur vie.

Aujourd’hui ces personnes existent encore: elles ont une grande âme, un horizon de valeurs et de pensées très vaste, une profonde humanité qui les rendent capables de se passionner aux sorts de notre planète. Ce ne sont pas tous des chrétiens ou des croyants mais ils sont animés par une profonde spiritualité car ils ne se limitent pas à baser leur vie sur la possession de biens, ils vont bien au-delà en valorisant la dignité humaine, ce qui permet aux personnes de se réaliser en mettant le futur de l’humanité à la première place. Des hommes et des femmes qui visent haut avec de grandes qualités humaines et un fort sens civique.