Année 134 - Juin 2022

On ne parle pas les yeux fermés

abbé Livio Tonello, directeur

Il est plus facile de parler que d’écouter. Tout arrive cependant de savoir écouter, c’est-à-dire de prendre conscience de ce qui se passe chaque jour. Écouter est bien plus important qu’entendre car nos sens sont toujours stimulés par des messages. Heureusement, le conscient et l’inconscient travaillent de concert pour trier les informations et pouvoir ainsi mieux les gérer.

Cela arrive parfois en écoutant une personne ennuyeuse qui répète toujours les mêmes choses : ses paroles glissent vite. La foi aussi naît de l’écoute (fides ex auditus comme le disait saint Paul au chapitre 10, verset 17 de La lettre aux Romains). La foi naît de l’écoute de la parole de Dieu car nous nous laissons atteindre et quand nous lui répondons. C’est la fête de saint Antoine (13 juin), auquel nous renouvelons notre dévotion, qui nous donne des éléments de réflexion.

Dans sa vie, il y a toujours eu un profond lien entre la parole et l’écoute. Nous le rappelons comme un grand prédicateur dont la profonde culture biblique et la spiritualité le rendaient capable de transformer les narrations bibliques en exhortations persuasives. Sa grandeur réside aussi dans la force de sa parole qui ne craignait pas l’orgueil et l’arrogance des puissants. D’où venait sa capacité à « actualiser » la parole de Dieu ?

Certainement de son extraordinaire capacité à écouter la vie quotidienne. Il savait écouter les cris des pauvres, des souffrants et les victimes de vengeances et d’injustices et il était toujours prêt à les aider. Cette lecture du monde demande une certaine intelligence aujourd’hui aussi. Les bonnes intentions et les proclamations théoriques ne suffisent pas. Il y a des personnes qui dissertent sur tout, assises confortablement à leur bureau et qui ne connaissent pas directement les problèmes.

En revanche, il existe de merveilleux héros de la charité qui se sont plongés dans la misère du monde. Je pense à Mère Thérèse dans les bidonvilles de Calcutta ou à père Alex Zanotelli dans les bidonvilles de Korogocho à Nairobi, pour ne citer que deux noms parmi les plus connus.

Ces choix de vie représentent des paroles en quoi croire. Il n’y a qu’en partageant la vie et les vicissitudes d’autrui que l’on peut prononcer des mots pertinents ; on peut agir avec authenticité seulement si l’on se met à l’écoute des problèmes de ce monde. Les heures passées en tenant la main d’une personne malade sont un geste d’une profonde humanité. Combien de choses ont changé en se mettant au service des pauvres et des humbles, en leur lavant les pieds et en les aimant, pas avec des paroles mais par des actes.

L’aide matérielle que nous leurs offrons sera bien plus efficace si nous écoutons le récit de leur vie. Il faut ouvrir nos yeux et nos oreilles pour ouvrir notre cœur.

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